J'ai testé pour vous (et un peu pour moi...) la littérature pour géocacheurs - Chapitre 6
COME OOOOOOOOON !!! Allez allez on ne lâche rien !!! Non seulement j'avais promis dans ma dernière publication que je partagerais avec vous mes deux tests estivaux avant 2025, mais cela fait en plus partie des (géo)résolutions prises en début d'année : parmi les cinq traditionnels défis à relever en 2024 figure "Conserver la régularité (raisonnée) sur ce blog", autrement dit publier 6 nouveaux articles au cours de l'année. Si vous faites les comptes (et ça se fait très vite), vous vous apercevrez qu'il en manque un : LE VOILA !!
L'année 2024 se termine sur ce blog avec de la littérature (ouais, je sais, c'est plutôt classe). Sixième article de l'année donc, mais aussi sixième article dans l'ensemble consacré à la lecture autour du géocaching. Nous retrouvons aujourd'hui un habitué des lieux, mais avant d'aborder ce pas très mystérieux auteur et son dernier roman, je vous demanderai de bien vouloir faire un tonnerre d'applaudissements pour l'habituel préambule :
« Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à ce que les motivations et la construction de ce modeste article soient claires : il ne s'agit en aucun cas d'une critique littéraire ! Je n'en ai absolument pas l'envie, encore moins la légitimité, et je n'aurai jamais le talent nécessaire pour réaliser la prouesse que réalisent les écrivains (il suffit de parcourir quelques lignes sur ce blog pour s'en convaincre). Comme pour les autres articles de cette série, mon but ici est de partager avec vous une expérience que j'ai vécue, en vous décrivant la façon dont je l'ai menée et ressentie, tout en dégageant les points positifs ET négatifs de ce test, selon MON point de vue. Il s'agit donc d'une opinion bien évidemment emplie de subjectivité, de bienveillance aussi, et nullement je l'espère de condescendance car, encore une fois, je suis bien incapable d'en faire autant. »
Est-il encore nécessaire de présenter Michel Aguilar ? C'est déjà la quatrième fois que j'évoque ce nom sur ce blog, et pour cause : cet aventurier amoureux de la nature, grand voyageur et aux nombreuses facettes a le profil idéal d'un géocacheur. Alors quand il utilise sa casquette d'écrivain pour glisser dans ses livres le géocaching comme ingrédient, c'est un immense plaisir pour moi de déguster ses romans. Après "Géocaching sanglant", "Caches mortelles" et "La dernière cache", Michel Aguilar tourne la page (LOOOOOOOL) de la trilogie "Bastien le sommelier" afin de se consacrer à de nouvelles aventures.
La géo-bibliographie de Michel Aguilar
Sorti en décembre 2023, "Sérial Ecocide" est un nouveau chapitre (LOOOOOOL) dans la carrière du romancier. En effet, Michel Aguilar quitte sa trilogie précédente, ses personnages auxquels nous nous sommes attachés, ses intrigues qui nous ont passionnés, et repart complétement à zéro ..... ou presque. Comme nous le verrons ensuite, le "style Aguilar" qui a fait la qualité des précédents opus est toujours de la partie. Bien plus que la façon d'écrire ou le rythme donné à l'intrigue, on retrouve les caractéristiques propres à l'auteur comme les différents modes de lecture, l'intégration de QR codes dans les pages du roman, et bien évidemment l'utilisation du géocaching dans le récit.
Michel Aguilar parvient-il à se détacher de sa précédente trilogie, tout en conservant ses atouts ? Ce nouvel ouvrage réussira-t-il à lancer de nouvelles aventures ?
Les conditions du test
Une fois de plus, j'ai particulièrement souffert pour vous faire bénéficier de ce compte-rendu de lecture. Comme chaque été, les conditions de test ont été catastrophiques : le temps radieux était un demi-degré trop chaud, les montagnes environnantes sont si belles qu'elles en deviennent énervantes, et l'eau du lac de Serre-Ponçon était toute mouillée ! Une torture !! Heureusement, pour consoler ma peine et me donner un peu de courage face à ce calvaire, je me suis prêté au jeu annuel du shooting photo. D'ailleurs, j'ai légèrement foiré le cadrage cette année, car ces saloperies de montagnes ne sont pas centrées par rapport au livre. Pffff quelles emmerdeuses...
Cinq années dans ma bibliothèque à ciel ouvert
Ajoutons à cela de quoi prendre quelques notes (papier et stylo auront même une mission supplémentaire cette année), ainsi qu'une rabane pour y poser mon royal fessier (oui oui, une rabane), et le kit de lecture estivale est désormais finalisé ! Mais avant d'entamer le premier des 155 chapitres de l'histoire, il convient "comme d'habitude" de choisir la façon avec laquelle j'aborderai ce roman. Néanmoins, plutôt que de lister les différents modes de lecture auxquels Michel Aguilar nous a habitués, l'auteur distille les nombreux éléments "interactifs" de son livre à travers un prologue que voici :
« Comme dans la plupart de ses livres, Michel Aguilar nous propose "à la carte" des ponts vers la réalité.
Tout au long de la lecture des QR codes permettent de voir les lieux de l'action à 360°. Un lien "Google Earth" permet de zoomer et d'appréhender l'ensemble de la zone.
Si vous avez la chance de vous rendre sur les lieux de l'action, vous pouvez :
rencontrer des personnages du roman.
trouver les caches recherchées par les héros de l'histoire.
Les lecteurs ne sont pas tenus de profiter de cette valeur ajoutée et peuvent lire le roman de bout en bout d'une manière tout à fait classique.
Pour ce nouvel opus, Michel Aguilar ajoute une nouveauté. Il met à disposition des enquêteurs en herbe des fiches concernant les suspects. S'il le désire (et seulement !), le lecteur pourra noter au fil des pages les indices concernant ces personnages. Le but est d'arriver à confondre le ou la responsable des écocides avant que l'auteur ne révèle qui est le coupable. Vous trouverez les clés pour ce travail de détective à la page 455.
Important : afin d'aider à l'identification des personnages, vous trouverez un tableau à la dernière page de ce livre. »
La forme a changé, mais le fond reste le même. On retrouve dans ce prologue les modes de lecture introduits dans la trilogie précédente. Il est par exemple toujours possible de parcourir le texte sans profiter de ses à-côtés (ce que l'on connaissait sous le nom de "mode classique"), et l'auteur insiste bien, à plusieurs reprises, que son roman peut tout simplement être considéré, utilisé et apprécié comme un ..... livre. Pour ceux qui voudraient aller plus loin, s'immerger davantage dans le récit, plusieurs options s'offrent à eux : scanner des QR codes (la fameuse "Aguilar touch"), se rendre sur le terrain (pour croiser géocacheurs et géocaches IRL) et/ou enquêter sur l'identité du criminel. Et c'est ce dernier point qui vient apporter de la nouveauté dans les modes de lecture. Ha ouais ? Pourtant, il était déjà question de mener l'enquête dans "La dernière cache", le précédent roman de Michel Aguilar, non ? C'est vrai petit insolent, mais les choses ont évolué ! Certes, le tableau de présentation des personnages est toujours présent (comme dans les quatre autres livres de Michel Aguilar que j'ai lus), et on pouvait déjà dans "La dernière cache" tenter de démasquer L'Ombre, un personnage malfaisant ... mais qui n'était pas le principal antagoniste (une sorte de vilain bonus). Dans "Sérial Ecocide", il va falloir découvrir qui se cache derrière L'Ombre, sauf que cette fois-ci, il s'agit du grand méchant de l'histoire ! En exagérant un peu, on pourrait presque constater un changement de style littéraire, avec un passage du thriller au polar. Mais arrêtons de dire n'importe quoi et appuyons-nous plutôt sur un autre ajout indiscutable : la mise à disposition de fiches relatives aux suspects. Les détectives du dimanche disposent à présent d'un outil supplémentaire pour enquêter, et les lecteurs d'une énième façon de feuilleter l'œuvre du romancier. Sacré Michel ! Il ne peut pas s'empêcher d'enchérir et d'améliorer son offre à chaque fois...
Alors même si on sort d'une trilogie, force est de constater que nous restons dans le même processus d'écriture ET de lecture (ce qui n'est vraiment pas pour me déplaire). La trinité aventure + géocaching + modes de lecture constitue immanquablement le socle des livres de Michel Aguilar. Par conséquent, la comparaison me parait une nouvelle fois inévitable, et j'orienterai donc mon analyse selon les trois axes "habituels" : l'histoire/l'écriture, l'interactivité et le géocaching.
Compte-rendu de l'expérience
L'HISTOIRE / L'ECRITURE
C'est désormais quasiment un rituel : on commence par évoquer l'histoire et l'écriture en partant de la quatrième de couverture. Pourquoi on fait ça déjà ? Bah, de une, parce que l'histoire et l'écriture sont, si je n'm'abuse, l'essence même d'un livre. Et de deux, parce que le résumé au dos du bouquin permet d'évoquer l'intrigue, sans trop en dévoiler puisque ce sont les mots choisis par l'auteur pour présenter son roman. Ce serait vachement ballot sinon pour une histoire pleine de rebondissements et de suspense... Du coup ça donne ça :
« Des géocacheurs expérimentés participent à un jeu télévisé destiné à mettre en avant les différents courants de l'écologie. Chaque retransmission présente des épreuves originales et propose des pistes pour sauver la planète.
Malheureusement les étapes en France ou dans le monde sont frappées par un écocide. Très vite les soupçons se portent sur plusieurs concurrents mais il est difficile d'identifier la personne qui commet des meurtres et des atteintes à l'environnement. Au fil de la compétition, un détective essaiera de démasquer celui ou celle qui fait tout pour discréditer ce divertissement audiovisuel.
Cette lecture vous entraînera dans plusieurs régions de France mais aussi en Islande, au Japon ou encore en Australie. Elle vous fera découvrir de multiples mouvements de l'écologie moderne. Toutefois vous côtoierez des extrémistes de tout bord enfermés dans des logiques contre-productives.
Une manière d'appréhender l'empreinte de l'homme mais aussi sa capacité (ou pas) à réagir face à l'urgence climatique. »
Mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans la tête de Michel Aguilar ? Le monsieur part d'un bon sentiment en créant des jeux d'aventure planétaires autour du géocaching (mais pourquoi TF1 ne reprend pas le concept ???), sauf qu'il finit toujours par mêler à la partie un psychopathe assoiffé de sang et de vengeance. Je sais que certains sont prêts à tout pour un FTF, mais de là à voir des serial killers aux quatre coins de notre communauté, quand même...
Il est temps de dire au-revoir à Bastien, et de faire connaissance avec Paul, Aurélie, Matthieu ou encore Ghislain. Leur point commun ? L'aventure géocologique : un jeu télévisé créé par Paul Merchard, riche entrepreneur, dans lequel des équipes de deux joueurs vont s'affronter à travers le monde. Le concept (et le nom) de l'émission mêle géocaching et écologie. D'un côté, les épreuves tourneront autour de la recherche de caches. De l'autre, Paul Merchard s'engage à respecter au maximum l'environnement dans l'organisation du jeu, mais aussi à mettre en place des actions écologiques partout où les candidats passeront. Sympa le Paulo, hein ? Oui et non, car l'entrepreneur souhaite avant tout redorer le blason de sa société pas vraiment verte... Mécène ne veut pas dire philanthrope... Bref, tout cela me fait personnellement penser à un Pekin Express écolo, sauf qu'il faut imaginer que chaque semaine, dans chaque épisode, pour chacune des étapes, quelqu'un crève les pneus de toutes les bagnoles et/ou essaie de buter Stéphane Rotenberg ! Une fois encore, une Ombre plane au-dessus du jeu ! Quelqu'un élabore de sombres plans pour salir l'image de Paul Merchard et de sa société, en pratiquant des écocides, des crimes environnementaux contre notre planète ... avec parfois des dommages collatéraux sur les personnages. S'agit-il d'un membre de l'organisation du jeu ? Faut-il plutôt chercher du côté des participants ? Et pourquoi s'acharner de cette manière sur Paul Merchard ?
Le programme est alléchant, et il nous tarde de découvrir toutes les réponses à ces questions. Quoi de plus normal quand on parle des textes de Michel Aguilar ? Lorsque l'on ouvre un de ses romans, on sait forcément que l'aventure sera au rendez-vous ! Cela se vérifie une fois de plus dans "Sérial Ecocide" avec des intrigues passionnantes qui s'enchainent sans faire retomber l'intérêt du lecteur, le tout à un rythme parfaitement maitrisé. Moi qui suis fan de chiffres et calculs inutiles, je me suis amusé à constater qu'un chapitre de ce roman dure en moyenne moins de 3 pages (2,8516129 pour être un peu plus précis). Cela montre bien la vivacité de l'intrigue, avec des événements qui se succèdent constamment, des points de vue qui alternent les uns après les autres, et des rebondissements qui viennent sans cesse entrecouper le récit.
Ce sentiment d'aventure est renforcé par le retour d'une composante qui m'avait pas mal manqué dans le dernier ouvrage : l'exotisme. Alors que les personnages du roman précédent évoluaient uniquement en France, Michel Aguilar repart à l'international en nous emmenant au bord d'un lagon islandais, dans un onsen japonais, ou encore au sein d'un grand parc national australien. L'auteur nous dépeint des décors qui font voyager autant qu'ils font rêver, et si les mots de Michel Aguilar (pourtant très bien choisis) ne suffisent pas, vous pouvez toujours compter sur les QR codes pour vous emporter vers ces lieux paradisiaques.
Cela pourrait paraitre étonnant de traverser ainsi la planète, alors qu'il est question d'écologie... Calmez-vous mes p'tits militants, Michel Aguilar a pensé à tout ! A travers le personnage de Paul Merchard notamment, toutes les contraintes écologiques ont été prises en compte, que ce soit par le choix des moyens de transport pour la réduction de l'empreinte carbone, l'implantation d'usines de décarbonisation de l'air sans énergie fossile sur les lieux des épreuves, ou encore par le biais de projets environnementaux divers et variés portés par les candidats eux-mêmes pour les besoins du jeu. Et c'est bien là une autre caractéristique des livres de Michel Aguilar : son expertise dans un domaine au service du récit. Que ce soit par passion, par son expérience ou par de la recherche, le romancier maitrise à la perfection certains sujets qu'il parvient à distiller brillamment au fil des pages. On retrouve ainsi dans ses différentes œuvres des thématiques qu'il utilise pour appuyer le texte, construire ses intrigues, décrire avec précision, et même proposer des clins d'œil aux connaisseurs, parfois avec humour. Ce fut le cas du géocaching bien sûr, mais aussi de la chasse à l'arc, de l'œnologie, et ici de l'écologie. Pour ma part, j'ai découvert énormément de notions que j'ignorais dans ce domaine, et j'ai beaucoup apprécié l'intelligence et le savoir avec lesquels Michel Aguilar anticipait les innombrables critiques vis-à-vis de la pollution engendrée par l'organisation d'un tel jeu. La connaissance au service de la narration.
L'INTERACTIVITE
Un autre fil rouge de la (géo)bibliographie de Michel Aguilar : le QR code. Elément principal de l'interactivité (oui, je sais, ce n'est toujours pas le terme adéquat, mais au bout du quatrième article, je crois que je ne trouverai jamais mieux...) apportée au livre, il est devenu la signature de l'auteur. Pour celles et ceux qui se réveilleraient d'une bonne grosse sieste d'une dizaine d'années, un QR code est une mosaïque de formes contenue dans un carré. En gros ça ressemble à ça :
Le premier QR code de "Sérial Ecocide" ...
Joli, non ? Non, pas du tout. Le QR code n'a aucune élégance. C'est même un amas de pixels plutôt dégueulasse. Mais il est finalement comme mon pote Jacky : repoussant au premier abord, il peut s'avérer très utile ! Nombreuses sont les possibilités offertes par les QR codes. En les scannant avec un smartphone, vous pouvez obtenir un texte, un lien Internet, une image, une vidéo... La redirection de prédilection dans les ouvrages de Michel Aguilar, c'est Google Maps. Et plus précisément la version Street View, comme c'est le cas pour le QR code juste au-dessus qui nous emmène juste en-dessous :
... bah ça commence pas trop mal cette histoire
Au risque de me répéter, Michel Aguilar a vraiment eu une idée de génie en plaçant des QR codes au fil des pages. Même si ses descriptions des endroits traversés par les personnages sont justes, détaillées et agréables à lire, rien ne vaut une immersion à 360° dans ces décors ! Nous sommes tantôt plongés au cœur de l'action d'une course poursuite dans les rues d'une ville, tantôt téléportés dans un paysage idyllique où notre regard peut se perdre dans toutes les directions. Parfois, je me suis amusé à imaginer les lieux selon les mots de l'auteur avant de vérifier via le QR code. Dans tous les cas, jamais le fait de lâcher le livre pour passer au smartphone ne nuit à la lecture ou à l'immersion. Bien au contraire, l'utilisation de Street View renforce la réalité et la crédibilité de l'histoire, quand elle ne se contente pas de nous émerveiller avec de splendides images.
Dans la série des nombres qui ne servent à rien (épisode 2), j'ai compté 113 QR codes le long des 455 pages de "Sérial Ecocide" : c'est un record absolu ! Jamais Michel Aguilar n'avait autant usé de ce dispositif dans ses romans, mais cette quantité est d'autant plus impressionnante qu'il parvient à apporter un peu plus de variété aux éléments découverts par le scan de ces QR codes. Si la très grande majorité d'entre eux renvoient vers Street View, il arrive que nous tombions également sur une vue satellite de Google Maps, ou même sur de la musique ! A d'autres occasions, nous sommes redirigés vers le site du romancier, en particulier vers des pages contenant des cartes détaillées et légendées qui nous permettent là encore de coller au plus près de l'action.
Toi la ferme !
Michel Aguilar va également plus loin dans la recherche de l'identité de l'Ombre, une mission bonus déjà intégrée dans "La dernière cache". Les lecteurs ont le choix de mener ou non l'enquête pour tenter de déterminer qui veut nuire aux héros à tout prix. Libre à nous de suivre l'intrigue jusqu'à la révélation, ou au contraire de jouer les détectives en relevant les indices, en déjouant les fausses pistes et en éclaircissant les alibis semés par l'auteur. Cela va plus loin que dans l'opus précédent, d'une part car le nom du méchant "principal" nous est complétement inconnu cette fois (l'Ombre était auparavant un personnage plus ou moins secondaire), et d'autre part en raison des nouveaux outils laissés par Michel Aguilar pour notre enquête. A la fin du livre, 10 double pages sont mises à la disposition des lecteurs-enquêteurs. La première concerne l'Ombre, et nous pouvons y noter des « indices physiques » ou encore des « indices de présence ». Les neuf autres correspondent à autant de suspects, pour lesquels nous disposons à gauche d'informations (photo, nom, profession, particularité, rôle dans le jeu...) et à droite de différentes zones pour y écrire ce qui les accable ou les innocente. Personnellement, je n'ai pas utilisé du tout ces 20 pages. Je ne sais pas si c'est parce que je ne les ai pas trouvées utiles, ou si c'est en raison de ma maniaquerie psychopathe qui m'empêche d'écrire sur un livre. Mais ce n'est pas pour autant que je n'ai pas joué au petit détective !! Feuilles de papier et stylo m'accompagnent à chaque lecture estivale, et en plus de prendre des notes sur mon ressenti au fil de la lecture, ils m'ont aussi permis de relever indices, témoignages et soupçons ! La réflexion n'était pas forcément simple, mais avec de la rigueur et de l'attention, les suspects sont éliminés l'un après l'autre pour nous amener vers la conclusion ... où certains "détails" étaient difficilement trouvables. En bref, j'ai beaucoup aimé me prêter au jeu, et la direction vers le polar que prend Michel Aguilar est une tournure qui me plait assez.
En revanche, un énième élément qui nous faisait plus ou moins briser le quatrième mur a quasiment disparu des radars. Je veux parler des énigmes. Elles étaient un point central de "Géocaching sanglant" et de "Caches mortelles" puisqu'elles servaient à orienter les personnages concurrents, tout en proposant de l'interactivité au lecteur. En effet, Michel Aguilar nous laissait le "temps" de les résoudre avant de révéler la solution, quelques pages plus loin. Les énigmes étaient malheureusement nettement plus en retrait dans "La dernière cache", mais c'est bien pire dans "Sérial Ecocide" où j'en ai relevées ..... 2 ! Et encore, la seconde n'en est pas vraiment une, et la première fait 3 minuscules lignes avec une réponse dévoilée ... sur la page suivante. Le mordu d'énigme et de mystery que je suis ne peut être que déçu. Hélas, ce ne sera pas le seul bémol de ce roman...
LE GEOCACHING
Malheureusement, le domaine le moins abouti parmi les trois est selon moi celui qui intéresse le plus la plupart d'entre vous : le géocaching. Et pourtant cela commençait pas mal pour le meilleur loisir de l'univers ! Dès le début du livre, entre les remerciements et le prologue, Michel Aguilar propose une page entière dédiée au géocaching. Non seulement il y propose une initiation, avec quelques explications sur le fonctionnement, les spécificités, le vocabulaire, la cotation ou encore les types de caches rencontrées par les personnages, mais en plus il ne cache plus du tout la référence au concept développé par Groundspeak. Je me souviens que l'évocation au géocaching était nettement plus timide dans "Géocaching sanglant"...
Par la suite, de nombreuses références au géocaching peuvent être relevées dans le texte (un autre de mes petits plaisirs inutiles et inquiétants). Cela passe bien évidemment par l'utilisation de "termes techniques", qu'ils soient basiques (« loguer », « poseur », « logbook », « container » ...), un peu plus pointus (« T5 », « D4 », « cache bonus », « spoiler » ...), ou encore qu'ils concernent les tailles de boites (« micro », « nano » ...) et les types de caches (« CITO », « event », « mystery », « multi cache » ...). Cela va même encore plus loin puisque Michel Aguilar révèle au grand public moldu quelques-uns des plus grands classiques de notre monde. Par exemple :
« la boite est accrochée par un fil au cabochon protégeant le haut du poteau en aluminium »
« un tuyau en PVC vissé contre le mur [...] il va falloir le remplir d'eau pour que le module qui est au fond remonte suffisamment pour être attrapé »
« cache électronique »
« il introduit l'aimant dans le tube et remonte la boite ronde métallique qui était cachée au fond »
« faux boulon »
« aimantée au dos d'un panonceau métallique »
« un faux rocher avec un creux en dessous abritant un container »
« caches sous-marines »
« capsule de bière qui trainait dans la poussière [...] en soulevant le petit bouchon métallique, il a sorti du sable un tube de vingt centimètres de long dans lequel il y avait le logbook »
On était à deux doigts de remplir la grille du bingo des caches !! Il ne manquait que la fausse bûche et la coquille d'escargot, so close !!! En même temps, notre communauté déborde tellement de créativité et d'inventivité qu'il est impossible de résister à divulguer quelques secrets pour faire fantasmer les lecteurs moldus... Et si tout cela ne suffisait pas, Michel Aguilar distribue encore une poignée de conseils pour les débutants. En ce qui concerne l'application officielle, rappelez-vous qu'elle « permet de cliquer sur un bouton "y aller" qui donne la distance qui reste à parcourir » et sachez qu'il est « facile en amont de télécharger les différentes pages web liées à cette cache pour les consulter hors connexion ». Sur le terrain, cherchez les traces de "sanglier" là où « l'herbe est foulée », et n'oubliez jamais qu'il est « complétement débile de mettre un vêtement blanc pour faire du géocaching ! » ... Les camarades les plus expérimentés ne sont pas en reste, notamment avec des caméos des célèbres Buckfast et Obiwan11, deux pseudos qui parleront à beaucoup d'entre vous et qui font leur apparition en tant que juges arbitres pour le jeu télévisé ^^
Mais alors ? Avec tout ça, comment puis-je être déçu du point de vue du géocaching ? Serais-je devenu trop exigeant ? Serais-je devenu un vieux ronchon, aigri, râlant à tout bout de champ, déçu par la vie et cherchant toujours à ..... Pardon... Trop loin... Oui j'en attends peut-être trop de la part de l'excellent Michel Aguilar. Mais pour ma quatrième lecture de cet auteur, je trouve que le géocaching est beaucoup plus en retrait. Et pourtant, il est au cœur de l'intrigue, ou du moins il est censé l'être étant donné que les participants au jeu sont principalement départagés par la recherche de géocaches.
Deux séries alsaciennes utilisées pour le tournage
Certes, nos aventuriers sont aussi des géocacheurs. Il n'y a aucun doute là-dessus. Ils se rendent vers des positions géolocalisées, cherchent des caches, trouvent des boites et signent des logbooks pour les besoins du jeu. De plus, si les personnages sont fictifs, les géocaches, elles, existent bel et bien dans notre monde. Cependant, je souhaite bonne chance à celui ou celle qui souhaiterait se lancer dans un trip "Sérial Ecocide" et visiter les mêmes caches que les protagonistes du livre. Ce n'est pas impossible, mais cela relève aussi de l'enquête de détective. Des noms de séries sont évoqués mais se perdent dans les pages, et les GC codes (références officielles des géocaches) partagés ne sont pas plus de deux ou trois à travers tout le roman. Habituellement, Michel Aguilar dresse une liste des véritables géocaches, que ce soit à la fin du livre ou sur une page de son site Internet, mais cette fois je n'ai rien trouvé de tel. Ceci étant dit, un DNF ne signifie pas forcément que la boite n'est plus là : le listing se trouve peut-être quelque part, et dans ce cas je publierai volontiers un Mea Culpa.
Une autre tradi, un peu moins alsacienne, visitée par les personnages
Et même dans le récit, finalement, le géocaching n'est qu'un prétexte lointain pour l'histoire. On parle de géocaching mais on ne le vit pas, que ce soit nous, lecteurs, ou même les personnages. Contrairement aux précédents opus, il n'y a pas d'énigmes à résoudre pour se rendre d'un point A à un point B. Le contenu des caches est par ailleurs sans importance, alors qu'il déterminait le destin des héros de la trilogie précédente : à certains moments ils retrouvaient des indices pour progresser dans leur périple, à d'autres ils étaient récompensés, ou alors ils étaient confrontés à un piège ou une nouvelle épreuve qui apportaient des rebondissements à l'intrigue. Dans "Sérial Ecocide", les concurrents doivent arpenter des séries de caches, signer les logbooks sans s'occuper du reste du contenu, et faire tout cela avec un maximum de boites dans un minimum de temps. Cela ne vous rappelle rien ? J'ai l'impression de décrire du powertrail, et à titre personnel, même s'il m'arrive de le pratiquer de temps en temps, ce n'est pas ma façon préférée de géocacher. Cela me donne l'impression de survoler les choses, et de ne pas tirer pleinement profit des innombrables qualités et bienfaits du géocaching. Tout en l'utilisant comme l'un des piliers de ses œuvres, Michel Aguilar semble ici s'éloigner petit à petit du géocaching. Preuve en est le dernier tiers de ce roman, où notre loisir a complétement disparu des pages. D'ailleurs ce n'est sans doute pas un hasard si, depuis que l'auteur écrit autour du géocaching, c'est la première fois où il n'y est fait aucune référence dans le titre.
Alors comme ça Teuche serait devenu un p'tit hater planqué derrière son écran, c'est ça hein ? Bien loin de là camarades, je ne suis toujours que sourire et bienveillance ! Cela me brûle les doigts de taper cette dernière critique sur mon clavier, mais je reste honnête et affiche mon opinion avec sincérité. D'autant plus que ..... J'AI ADORÉ CE LIVRE !! Si je mets de côté mon envie que le monde tourne autour du géocaching, je n'ai quasiment rien à redire sur "Sérial Ecocide" ! J'ai passé un excellent moment à le dévorer : l'histoire m'a tenu en haleine de la première à la dernière page, et chaque fin de chapitre m'a immanquablement donné envie d'enchainer avec le chapitre suivant ! C'est toujours aussi rythmé, inventif, documenté, passionnant, et plutôt qu'une adaptation en jeu télévisé (cela serait délicat d'un point de vue assurance décès), je serais tout à fait client d'une version film ou série. Les personnages sont bien écrits, j'imagine des décors aussi grandioses que dépaysants, et l'action et le suspense seraient clairement au rendez-vous ! Bon il attend quoi Christopher Nolan ???
Conclusions
J'ai tenté de nuancer comme je pouvais la fin de cette article, mais je vais le faire de nouveau à travers la conclusion. Et pour cela, rien de tel que les habituels points positifs et négatifs qui viennent clôturer les articles de la rubrique "J'ai testé pour vous (et un peu pour moi...)" :
+ encore et toujours le style Michel Aguilar
+ un retour à l'exotisme de l'international
+ plus de variété dans les QR codes
+ beaucoup d'informations sur l'écologie
+ de l'action non stop
+ une véritable enquête à mener
- le géocaching beaucoup plus en retrait
- la disparition des énigmes
- malheureusement beaucoup de fautes et de coquilles (désolé Michel)
Avec "Sérial Ecocide", Michel Aguilar quitte une trilogie pour ouvrir un nouveau chapitre dans sa carrière d'écrivain/géocacheur. Pour notre plus grand plaisir, nous retrouvons les marqueurs qui ont forgé son style : son écriture fluide et rythmée, son goût pour l'aventure, le partage de ses passions, et sa créativité sans cesse renouvelée. Il parvient même à se détacher de ses précédents ouvrages, pour le meilleur avec de nouveaux personnages et de nouvelles idées d'interaction avec son public, comme pour le "pire" avec une sensation d'éloignement du géocaching. Ce dernier n'est plus l'élément central au cœur de l'action, mais une ficelle parmi d'autres dans la narration. Cela fait-il de "Sérial Ecocide" un mauvais roman ? Bien sûr que non, bien au contraire ! Et puis, souvenez-vous : d'un point de vue purement géocaching, "Géocaching sanglant", la première des trois aventures de Bastien le sommelier, était la moins aboutie de la trilogie. Il n'y a plus qu'à espérer que Michel Aguilar reprenne la plume pour nous proposer une suite ;)
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