J'ai testé pour vous (et un peu pour moi...) la littérature pour géocacheurs - Chapitre 1
Inaugurée en juillet 2019, la chronique "J'ai testé pour vous (et un peu pour moi...)" n'avait connu jusque là qu'un seul épisode. Fort de moult nouvelles expériences ces derniers temps (je me suis mis à concocter des cupcakes, mais je pense plutôt m'en tenir au géocaching sur ce blog), je reviens vers vous avec des projets de publication plein la tête pour cette rubrique, et un premier article consacré aujourd'hui à la littérature pour géocacheurs.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à ce que les motivations et la construction de ce modeste article soient claires : il ne s'agit en aucun cas d'une critique littéraire ! Je n'en ai absolument pas l'envie, encore moins la légitimité, et je n'aurai jamais le talent nécessaire pour réaliser la prouesse que réalisent les écrivains (il suffit de parcourir quelques lignes sur ce blog pour s'en convaincre). Comme pour les autres articles de cette série, mon but ici est de partager avec vous une expérience que j'ai vécue, en vous décrivant la façon dont je l'ai menée et ressentie, tout en dégageant les points positifs ET négatifs de ce test, selon MON point de vue. Il s'agit donc d'une opinion bien évidemment emplie de subjectivité, de bienveillance aussi, et nullement je l'espère de condescendance car, encore une fois, je suis bien incapable d'en faire autant.
Lorsque je trouve le temps de me plonger dans un roman, j'avoue affectionner particulièrement le genre policier. J'aime qu'un bon thriller me tienne en haleine par son suspense, qu'un chapitre se termine par une révélation ou un nouvel indice donnant une irrésistible envie d'aller lire ce qui se passe dans la page suivante. Je retrouve aussi à travers un bon polar l'amateur de mystery que je suis, cherchant à résoudre l'énigme en même temps que le personnage. A ce propos, geocaching et littérature se sont mêlés à plusieurs reprises, et si nous nous intéressons plus précisément aux œuvres écrites ou traduites dans la langue de Molière, nous pouvons citer "Cinq" (réédité ensuite sous le nom "Ça ressemble à une jeu") d'Ursula Poznanski, "Géocaching sanglant" et sa suite "Caches mortelles" par Michel Aguilar, ou encore la publication cette année de "Geocrimes" de Sébastien Guilleux.
Parmi ces ouvrages, le premier que j'ai eu plaisir à parcourir est celui de l'autrichienne Ursula Poznanski. Il m'est extrêmement difficile de vous en parler avec précision aujourd'hui étant donné que je l'ai dévoré il y a déjà plusieurs années. Ce roman méritera une relecture et un article, mais en attendant, je vous propose de nous plonger ensemble dans "Géocaching sanglant"...
Les conditions du test
A l'occasion du GAME saint-quentinois de février 2020, le dernier avant la première édition du confinement, le camarade LNRJ n'était pas venu les mains vides : dans l'une, un cadeau empoisonné avec un TB aussi encombrant qu'illégal transmis d'event en event ; dans l'autre, une chouette attention avec le thriller "Géocaching sanglant" de Michel Aguilar. Le pauvre, s'il avait su à ce moment-là que, neuf mois plus tard, j'aurais encore son livre avec moi, il aurait certainement réfléchi davantage avant de me le prêter. Ou il aurait pu songer à un système de location à l'heure et devenir richissime, mais passons... Le confinement 1.0 ne fut pas pour moi propice à la lecture, et ce n'est que quelques mois plus tard, durant les vacances d'été, que j'ai enfin pu dévorer ce bouquin, sous le soleil des Hautes-Alpes et à la fraîcheur du lac de Serre-Ponçon. Une véritable torture...
Les doigts de pieds en éventail, me voilà prêt à en découdre aux côtés des personnages de Michel Aguilar. Mais avant cela, avant de lancer les hostilités, avant de débuter son récit, l'auteur propose une particularité dès l'ouverture de son livre. Avant même l'avant-propos, un choix qui aura un impact sur la lecture du roman, et donc sur ce test, s'offre à nous avec la possibilité de parcourir les pages de ce thriller de trois manières différentes.
« CLASSIQUE : vous lisez les chapitres les uns après les autres en vivant les rebondissements de l'intrigue et les découvertes des énigmes au même rythme que les personnages.
VIRTUELLE : vous arrêtez de lire lorsque les personnages découvrent une énigme et vous essayez de la résoudre avec les mêmes informations que les protagonistes du roman. En reprenant la lecture, vous verrez si vous êtes parti sur une fausse piste comme certains des concurrents ou si, au contraire, vous pourriez être en tête de course avec les meilleurs.
SUR LE TERRAIN : si vous avez la chance de pouvoir rejoindre un des sites de géolocalisation, vous pourrez accéder à la boite à énigme et à la feuille de marque. Vous êtes au cœur de l'action du roman avec les mêmes difficultés physiques que les héros de l'histoire. »
Pour ma part, j'étais tellement bien installé à côté de mon lac que j'ai décliné l'invitation "SUR LE TERRAIN". En revanche, vous vous doutez bien que la résolution d'énigmes m'a quelque peu titillé, et j'ai donc opté pour l'offre "VIRTUELLE". Au kit de lecture de base (livre et crème solaire) se sont donc ajoutés papier, stylo et smartphone. Ce dernier outil peut d'ailleurs se montrer indispensable si l'on souhaite profiter pleinement de ce roman, mais nous en reparlerons un peu plus bas.
Compte-rendu de l'expérience
Bien évidemment, "Géocaching sanglant" étant un thriller, le plaisir de sa lecture repose par définition sur le suspense, le mystère et la tension mis en place par son auteur, et je me refuse donc à vous spoiler (une habitude sur ce blog) l'action du livre et ses rebondissements. Seul Michel Aguilar peut sélectionner ce qu'il souhaite dévoiler de son histoire, et voici par conséquent le résumé que l'on peut trouver sur la quatrième de couverture :
« Bastien, sommelier de formation est à la recherche de ses parents biologiques. Entraîné malgré lui dans une compétition de géocaching particulière, il s'allie à Léna, une détective privée pour tenter de comprendre quels terribles secrets entourent son adoption.
Au fur et à mesure, les épreuves de cette chasse au trésor moderne transforment les concurrents en de redoutables adversaires. Les équipes s'affrontent aux quatre coins du monde en tentant de résoudre des énigmes machiavéliques semées d’embûches et de dangers insoupçonnés. Tous les coups sont permis pour atteindre le but ultime source de profits pour certains et de révélations pour Bastien. »
La promesse est belle : suivre (et même "vivre", selon le mode de lecture choisi) un gigantesque jeu de piste à travers le monde. Quatre équipes s'affrontent, quatre équipes pour lesquelles l'auteur a eu la très bonne idée de dresser un tableau descriptif en tout début de livre : l'équipe verte de Bastien et Léna (les personnages mentionnés dans le résumé), l'équipe jaune d'Adrien (le fils de l'instigateur du jeu) et de son ami Alain, l'équipe bleue de Gérard et Sophie (Monsieur D5 et Madame T5) et enfin l'équipe fuchsia composée de Lucas et Véronique (un coupe autour de la trentaine cherchant à adopter un enfant). Sur la même page on retrouve la présentation de Vince Dubreuil et de son majordome Christopher, le premier ayant demandé au second d'organiser le fameux "concours de géocaching" afin de stimuler le fils Adrien en mettant en jeu son gigantesque héritage. Et je retrouve justement dans la phrase précédente les deux grands points négatifs qui m'ont le plus chagriné dans cet ouvrage. Tout d'abord, la mise en place de l'intrigue est à mon goût trop maladroite. Aussi fantaisiste que puisse être Vince le millionnaire, j'ai beaucoup de mal à croire qu'il puisse laisser à son très mystérieux majordome le soin d'organiser un jeu de piste exceptionnel dans le seul but que son fils se sente valorisé et mérite la fortune à hériter (quitte même à perdre ses biens et les voir remportés par des participants inconnus). La ficelle me parait un peu grosse, le trait est forcé, et cela peut malheureusement nuire à l'immersion. Par ailleurs, l'autre bémol est à mettre du côté du géocaching. Le mot lui-même représentant la moitié du titre, je m'attendais à ce que le géocaching tel que nous le connaissons soit au cœur du roman. Certes, il est question de contenants et de coordonnées. Certes les énigmes nous font penser à de la mystery, et certaines épreuves à étapes s'apparentent à de la multi. Mais tout cela n'a rien d'"officiel". Ce n'est sans doute pas un hasard si, dans sa description du mode de lecture "SUR LE TERRAIN", Michel Aguilar emploie le terme « boite à énigme » au lieu de "géocache" ainsi que « feuille de marque » à la place du "logbook" que nous signons habituellement. Peut-être suis-je trop naïf, mais j'espérais retrouver notamment une transposition des boites fictives en géocaches physiques et officielles, accessibles via geocaching.com ou l'appli (je n'aurais pas dit non à des liasses de billets pour le FTF, comme dans le roman). Est-ce par absence d'autorisation de Groundspeak ? Est-ce en raison d'une logistique trop complexe ? Moi qui rencontre parfois des difficultés pour réaliser la maintenance de mes caches à quelques kilomètres, je ne jetterai pas la pierre : rien que penser à une gestion de contenants et de logbooks à l’échelle planétaire me donne la chair de poule. Finalement le géocaching en tant que tel n'est présent dans le livre qu'à travers certains personnages qui pratiquent ce loisir, mais une fois ce constat digéré et la pilule de l'origine de l'intrigue avalée .....
..... la promesse est tenue ! Car oui, franchement oui, je me suis pris au jeu, au double jeu même. J'ai autant apprécié le rôle actif de participant virtuel en tentant de résoudre les énigmes, que celui plus passif mais ô combien passionnant de lecteur suivant les avancées et les mésaventures des quatre équipes. Sur le premier point, même si la difficulté est fluctuante, ne vous attendez pas à devoir réordonner les pièces d'un puzzle. La plupart des énigmes mériteraient une belle cotation de difficulté. Je me suis cassé les dents et les neurones sur certaines d'entre elles, bien entendu en raison de mon intellect des plus discutables, mais aussi parce qu'il est quasi impossible de venir à bout de la majorité des énigmes sans appareil connecté, voire même pour certaines sans se rendre sur place. Ceci étant dit, Michel Aguilar parvient à prolonger et orienter la réflexion avec beaucoup de subtilité et d'intelligence grâce à la narration. Les personnages se plient eux-mêmes à l'exercice, et leurs cheminements que nous lisons "en direct", leurs analyses, et même les pièges dans lesquels ils tombent sont autant d'indices semés par l'auteur afin de nous guider vers la solution, mais aussi de ne pas isoler le lecteur. Et ce dernier point est pour moi l'un des plus importants. Si effectivement j'ai pu pointer du doigt un manque d'immersion au commencement du livre ou si j'ai pu employer le terme de passivité à un moment de ce test, a contrario, les gros atouts de ce thriller résident dans son interactivité et dans son dynamisme.
Comme je viens de l'évoquer, les énigmes et leur résolution progressive aident le lecteur à se plonger dans l'aventure, voire à la vivre aux côtés des participants. Mais ce n'est là qu'une partie de la quête des personnages, et il aurait été tout aussi agréable de découvrir les étapes géographiques du jeu de piste en leur compagnie. J'ai eu beau passer une à une les 484 pages du roman au peigne fin, impossible pour moi de mettre la main sur les billets d'avion fournis avec le livre (sans doute un oubli de LNRJ lorsqu'il m'a prêté le bouquin). En revanche, on retrouve très régulièrement (38 fois pour être exact) sur le papier un concept formidable :
Ce n'est pas le concept de QR Code qui m'a conquis ici, j'avoue que j'en avais déjà croisé quelques-uns auparavant. Non, l'excellente idée de Michel Aguilar est à chercher du côté de l'utilisation de ce système. Vous êtes confiné ou vous ne disposez pas d'un jet privé dans votre garage (personnellement ce sont les deux à la fois en ce moment ..... et je n'ai même pas de garage d'ailleurs) pour suivre les équipes autour du globe ? Pas de problème ! L'auteur vous y emmènera ..... virtuellement. Une image valant 1000 mots, chacun des QR Codes vous téléporte directement dans les décors de la chasse au trésor. Si par exemple vous scannez le QR Code ci-dessus, voilà ce qui s'affichera sur votre écran :
J'ai volontairement choisi l'une des premières scènes du livre, dans un souci de préserver le mystère autour des lieux visités par les personnages. Sachez simplement que le voyage est aussi exotique que diversifié, et que les différentes destinations font rêver tout géocacheur digne de ce nom. Ici, nous avons une vue à 360° sur la magnifique calanque de Sormiou, à côté de Marseille. Bien d'autres régions et pays sont à découvrir au fil du récit et des QR codes, ces derniers nous transportant tantôt directement à des coordonnées en mode Street View, nous affichant parfois la vue satellite d'un site pour mieux comprendre l'action qui s'y déroule, ou encore nous renvoyant directement sur le site de l'auteur pour y découvrir photos et autres informations complémentaires.
De l'interactivité à l'aide de plusieurs techniques donc, mais également un certain dynamisme dans la narration et dans la construction de l'ouvrage. Je n'ai jamais ressenti de lassitude ou d'ennui au cours de ma lecture, car le rythme est toujours soutenu, bien évidemment au moyen de l'action (nous sommes dans un thriller ET dans une chasse au trésor à travers le monde) mais également dans la façon dont Michel Aguilar enchaîne les intervenants et leurs points de vue. Chacune des étapes est vue successivement à travers les yeux de chacune des équipes, offrant une nouvelle vision sur l'épreuve, une réflexion différente sur une énigme, ou encore une réaction par rapport à l'activité d'un concurrent. Le récit de la course est également entrecoupé de quelques visites chez les organisateurs (ce qui apporte de nouveaux éléments dans l'intrigue) ainsi que par les pages du journal intime d'une certaine Carla qui distillent progressivement d'autres détails nécessaires à la compréhension globale de l'histoire. Ces nombreuses excellentes idées maintiennent une certaine énergie tout au long du roman, jusqu'aux dernières pages et au cliffhanger final.
Conclusions
Une fois encore, je ne suis ni écrivain, ni critique littéraire, juste un simple lecteur passionné de géocaching. Malgré tout, si je devais faire un bilan et proposer, comme je l'ai fait et le ferai pour chacun des articles de la rubrique "J'ai testé pour vous (et un peu pour moi...)", les points positifs et les points négatifs, mon tableau final serait le suivant :
+ du suspense, de l'action, du rythme
+ de l'interactivité et de l'immersion avec les QR Codes et les énigmes
+ différents modes de lecture
+ une résolution progressive des énigmes
+ de la variété sur les types de caches (mystery, multi, nightcaching, T5, sous-marine, ...)
- manque de crédibilité par moments, en particulier pour le lancement de l'intrigue
- impossibilité de résoudre certaines énigmes sans être connecté, voire présent sur place
- un point plus régulier sur les scores et le classement aurait été apprécié
- beaucoup de fautes et de coquilles
"Géocaching sanglant" de Michel Aguilar n'est pas exempt de quelques petits défauts, mais globalement, mes heures de lecture ensoleillées à l'ombre de ce thriller ont été extrêmement agréables. L'intrigue générale est légèrement moins prenante que chacune des épreuves prises individuellement, mais l'auteur a apporté un tel dynamisme à son histoire et de telles idées pour immerger le lecteur que le roman fut rapidement et facilement dévoré avec délice. L'écrivain est même parvenu à susciter plusieurs envies à mes différentes facettes : le globe-trotter que je suis rêverait de découvrir les destinations parcourues par les personnages, le géocacheur que je suis adorerait y rechercher les éventuelles boites dissimulées, le lecteur que je suis a été suffisamment attisé par les dernières pages pour avoir envie de lire la suite, et enfin le blogueur que je suis aura grand plaisir à partager avec vous un autre chapitre de test de littérature pour géocacheurs.
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